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La médecine chinoise, une médecine simple et subtile

Nombreux sont ceux qui en Occident ont entendu parler de la médecine chinoise et se sont familiarisés avec ses notions les plus courantes ; qui ne connaît pas, ne serait-ce que par oui dire, le yin-yang, les méridiens, l’acupuncture ou même les 5 éléments ?

Aussi, dans cette présentation, je n’ai pas l’intention d’approfondir tel ou tel concept qu’il est facile de retrouver dans un manuel d’introduction à la médecine chinoise. Tout en les abordant brièvement, j’essayerai de répondre à ces trois questions :

  • En quoi la médecine chinoise est-elle une médecine naturelle ?
  • En quoi diffère-t-elle essentiellement de la médecine occidentale ?
  • Dans quelle mesure, enfin, peut-elle constituer une réponse alternative pour un problème de santé ?

Avec un constat que j’expliciterai un peu plus loin : la médecine chinoise recourt à des notions très simples qui s’accommodent ou même favorisent une grande subtilité ; simple et subtile.

En préambule, voici les concepts les plus fréquemment rencontrés dans le cadre de la médecine chinoise.

Le qi

Dans le cosmos tout est énergie. Les Chinois la nomment « qi ». Ce qui distingue les choses, ou qui fait qu’il y a des choses différentes, ce sont les états de densité différents du qi, ou mieux les variations dans les processus de densification, d’agrégation.

Ainsi quand le qi se rassemble, se condense, se densifie, la matière se constitue. A l’inverse, un qi plus subtil, qui s’allège, se clarifie, devenant invisible préside à toutes les transformations ; c’est le dynamisme même. Ainsi, dans le corps humain, si les os représentent le qi le plus dense, l’esprit, lui, en est le plus subtil.

Observons qu’il y a solution de continuité entre le somatique et le psychique ! Cette compréhension met en évidence les effets mutuels du somatique et du psychique et les traitements d’acupuncture ou de phytothérapie bénéficient de cette sorte d’évidence.

Le yin-yang

Le qi ainsi conçu amène naturellement à imaginer une structure bipolaire : le yin et le yang. Le yin c’est ce qi qui va se densifiant et qui aboutit à la matière, la forme ; on lui associe tout ce qu’on peut déduire de ce processus ; ainsi la matrice, le féminin, le sang, l’eau, ce qui coule, descend, qui est lourd, épais, la terre, l’automne, l’hiver, la nuit, le froid etc. sont dits yin.

Le yang c’est le qi léger, qui monte, induit les processus dynamiques, de transformation ; il sera associé au masculin, à la chaleur, à la lumière, à l’activité, au printemps, à l’été, au jour, etc.

Mais rien n’est totalement yin ou totalement yang : un pur yin ne pourrait se transformer en yang et vice versa ; il n’y a aucun processus, aucun comportement, aucune particularité qui ne procède, en proportion variée, de yin et de yang. La matière est yin, ce qui la transforme, yang ; l’un n’existe pas sans l’autre ; ils n’existent pas intrinsèquement ; un aspect yin l’est par rapport à un autre aspect yang. Il faut bien comprendre que Yin-yang sont des concepts utiles pour opérer une compréhension de la réalité et non cette réalité ; ainsi l’eau qui coule est yin si on la compare à de la vapeur, mais si on la réfère à de la glace cette même eau courante sera yang. Cet outil conceptuel permet d’opposer indéfiniment, aller aussi loin qu’on peut ou veut discriminer ; yang ou yin à l’état pur est une absurdité : car ils ne sont jamais un état, jamais purs ; yin-yang c’est un outil de compréhension.

Si tout est qi et qu’avec yin-yang on dispose d’un outil de classement, comment se fait le passage du yin vers le yang, du yang vers le yin ?

Les cinq éléments

Les 5 éléments, ou les 5 états, les 5 moments du qi essayent d’y répondre ; on distingue l’eau, le bois, le feu, la terre et le métal. Les Chinois ne se figuraient pas que tout ce qui existe était composé en proportion variable de ces 5 éléments, mais plutôt que tout ce qui existe participe des 5 éléments, chaque élément étant emblématique d’un état de transformation du qi.

Exemple, le bois ; est dit appartenir au « bois » tout ce qui monte en s’évasant, bénéficie d’une propension à l’expansion, jouit donc de souplesse, d’élasticité ; une saison, un goût, une odeur, une couleur, un son, un organe, une émotion, une qualité mentale, etc. lui seront associés. Pour un Chinois le foie, le vent, le printemps, un certain vert, la colère, vont ensemble simplement parce qu’ils appartiennent au bois ; on signifie par là que s’ils s’apparentent à lui, c’est que le bois en quelque sorte représente de façon optimale le moment de qi dont ils procèdent eux aussi. (On imagine le casse-tête pour un traducteur de poésie chinoise ! Chaque mot fait cortège ! La situation est d’ailleurs la même pour le praticien en médecine chinoise ; quand il dira « sang », « foie », « cœur », etc. à son interlocuteur, comment transmettre en même temps le terreau fertile qui nourrit chacun d’eux, et par quoi il comprendrait que « foie », par exemple, ne fait qu’incidemment référence à l’organe ?)

Dans le binôme yin-yang, le bois est une étape intermédiaire entre l’eau et le feu; le métal quant à lui constitue un moment de transformation entre le feu et l’eau. Le statut de la terre est plus indécis ; pour beaucoup, il est ce vers quoi tout revient quand on veut passer d’un élément à un autre ; d’autres théories le situent entre le feu et le métal.

Cette figure des 5 éléments, (un pentagone inscrit dans un cercle), a permis aux médecins chinois de développer les multiples relations entre les 5 grands centres énergétiques du corps humain (foie – cœur – rate – poumon – rein) ; ils ont ainsi mis en évidence l’existence de cercles vertueux par lesquels se montre la capacité naturelle du vivant, en s’autorégulant, à se maintenir en bonne santé ; les cercles vicieux, en revanche, soulignent comment un déséquilibre se répercute, induisant une situation pathologique.

Les méridiens

Les médecins chinois fécondent leur compréhension de la circulation du qi dans le corps en observant comment fait l’eau sur la terre ; l’eau se rassemble, se met à ruisseler formant peu à peu un torrent, puis une rivière, un fleuve qui va se jeter en mer ; ainsi du qi. Le méridien est le nom donné à ces rivières de qi. Chaque centre énergétique du corps humain en possède un qui fait le lien entre l’interne et l’externe. Chaque entité formée d’un centre énergétique et de son méridien est en relation avec toutes les autres entités (certaines sont privilégiées) et fonctionnent en synergie.

Notons que les Chinois se sont servis de leurs connaissances en hydraulique (savoir plusieurs fois millénaires) pour affiner celles qu’ils avaient de la circulation du qi.

L’acupuncture

Les médecins chinois ont également mis au point une méthode pour intervenir sur cette circulation, la réguler, prévenir les débordements, les congestions, les stagnations, les sens contraires ; cette méthode c’est ce qu’on appelle l’acupuncture. Aussi un point d’acupuncture est-il un peu comme une écluse. Il y a environ 400 points officiels d’acupuncture, ce qui laisse imaginer le nombre important d’associations possibles, de manœuvres, de stratégies ; pour chaque déséquilibre, la médecine chinoise propose plusieurs formules de points.

Une médecine naturelle

Si on associe la médecine chinoise à une médecine naturelle, ce n’est pas uniquement parce que ces approches thérapeutiques sont naturelles ; de fait son importante pharmacopée provient en grande partie du monde végétal ou minéral et les instruments dont elle se sert (aiguilles d’acupuncture, moxa, ventouses, mains du praticien pour le tuina) sont d’une simplicité qui passe pour naturelle, voir rustique au regard de la panoplie d’appareils sophistiqués de la médecine occidentale.

Simplicité et subtilité

On l’associe également à de la médecine naturelle parce qu’elle réfléchit avec des notions tirées de l’expérience de tous les jours. Face à une situation pathologique, le praticien va se demander s’il a affaire à du chaud, du froid, du sec, de l’humide, si l’une ou l’autre de ces qualités, pouvant d’ailleurs s’associer entre elles, résultent d’un trop ou d’un pas assez, si elles se manifestent plutôt à l’interne ou à l’externe, en haut, en bas, quelle sphère énergétique est concernée, etc. ; la maladie est un processus dynamique ; le praticien en médecine chinoise, en observant, posant des questions, palpant, sentant, prenant le pouls, examinant la langue, va essayer de saisir le plus exactement possible à quel moment de ce processus dynamique on se trouve, c’est à dire aussi, où on en est de la lutte entre l’énergie défensive d’un individu et l’énergie offensive, et pour le dire avec les Chinois, entre le qi véritable et le qi pervers.

Ces notions empruntées à la vie de tous les jours, à l’art de la guerre également, simples, compréhensibles par tous ont aussi l’épaisseur, la densité, la richesse de tout ce qu’on peut leur associer et pour le praticien, employer ces mots en habit de semaine, c’est parvenir à réduire en équation simple, la complexité inextricable d’une situation pathologique, c’est percevoir clairement la situation causale de multiples symptômes dont certains semblent n’avoir aucun lien logique entre eux , et cette perception claire d’un syndrome est une des clés d’un traitement efficace. Il s’agit de mettre à jour l’axe dynamique selon lequel se déploie l’état pathologique, de choisir ensuite les moyens appropriés pour rétablir l’équilibre en péril.

C’est en quoi la simplicité n’exclut pas la subtilité.

Equilibre instable

L’équilibre idéal qu’est la santé, le silence des organes, dont la préservation est un des buts de la thérapeutique chinoise, l’équilibre pourrait se résumer à l’harmonie entre l’eau et le feu. Or, de science commune, on sait que l’eau et le feu ne font pas bon ménage ; ils s’évitent ; la vie, cependant c’est cet improbable mariage, et provisoire (le temps d’une vie) entre l’eau et le feu; cela dit la fragilité de la santé.

D’un côté, l’eau, dans le corps, sous de multiples aspects : le sang, le liquide interstitiel, la lymphe, les muqueuses, la sueur, l’urine etc. De l’autre, le feu dont témoigne notre température corporelle, ce + 37° même si dehors il fait -10°, l’énergie qui continuellement transforme, métabolise, produit, transporte, induit le mouvement etc.

Un exemple de ce mariage : le sang, quand il est rouge vif, qu’il nourrit, réchauffe, circule ; sans feu, il se coagule, s ‘obscurcit, s’immobilise.

La vie c’est cette collaboration entre l’eau et le feu ; si on la laisse à sa propre tendance, l’eau descend, immerge, éteint, noie ; sous l’impulsion du feu, le liquide sang monte des pieds à la tête ! Le feu laissé à lui-même, monte et brûle.

Un centre énergétique, et dans le corps il y en a plusieurs, est à imaginer comme un âtre où brûlent des bûches ; l’idéal c’est un feu qui ronronne produisant une douce chaleur ; si les bûches sont trop humides, le feu finit par s’éteindre, trop sèches, elles sont dévorées en peu de temps par le feu.

Prévention

On est dans la prévention quand on s’applique à entretenir cet équilibre, à anticiper ce qui pourrait le mettre en péril ; le praticien pourra, adapter l’alimentation, en fonction du terrain, proposer une hygiène de vie qui favorise le sommeil, élimine le stress, promeuve par des exercices appropriés le fonctionnement harmonieux des métabolismes, encourage la créativité, la stimulation spirituelle, insiste sur l’importance de la joie de vivre, mère de l’énergie vitale, etc. Il va en outre de soi que l’acupuncture, la phytothérapie et le tuina peuvent concourir efficacement à ce maintien de la santé.

Moyens thérapeutiques

Lorsque l’équilibre est rompu, la dynamique pathologique identifiée, le choix thérapeutique arrêté, le praticien pourra proposer au patient l’approche la mieux adaptée. J’esquisse ici brièvement les diverses possibilités.

Comme l’acupuncture agit préférentiellement sur la circulation du qi, on y aura recours dans toutes les pathologies où le nœud du problème réside dans une circulation défectueuse du qi :

  • Blocage
  • Congestion
  • Sens contraire
  • Plénitude
  • Ralentissement
  • Vide, etc.

C’est souscrire à l’un des plus fameux préceptes de la médecine chinoise :

Quand le qi circule, la maladie ne peut pas s’installer

En revanche, si la pathologie concerne un vide ou une plénitude de substance, ou a pris forme, on aura recours, sans exclure pour autant l’acupuncture, à des substances végétales ou minérales ; ces dernières, il y en a des milliers, constituent la pharmacopée. Elles sont rarement prescrites seules. La longue histoire de la médecine chinoise a retenu les associations les plus efficaces, les plus sûres également. Aujourd’hui, c’est un véritable trésor de milliers de formules, classées chacune en fonction d’un déséquilibre, qui est à disposition du praticien.

On appelle tuina, le massage chinois (pour davantage d’informations, je vous renvoie à l’onglet spécifique). On y recourt pour la prévention, le maintien de la santé et en soutien pour un nombre importants de pathologies.

On est intégralement constitué par ce que l’on mange, l’on boit, l’on respire. C’est dire l’importance de la diététique. Indispensable dans la prévention des maladies, elle est également incontournable dans toutes les étapes du processus de guérison.

Pour être complet, j’ajoute que l’exercice du tai chi et du qi gong produisent des bénéfices incalculables sur la santé : ils sont à disposition de chacun, mais ne se pratiquent guère en cabinet.